La parabole des deux horlogers

Posté par Florent F. Le 22 septembre 2009

1 commentaire

  1. tyler,

    la complexité et la fragilité
    Votre analyse me rappelle un texte sur les contraintes liées à la complexité :

    « « Durant les 10 000 dernières années, la résolution des problèmes a produit une complexité croissante dans les sociétés humaines », remarque Joseph Tainter, un archéologue de l’Université de l’Utah, à Salt Lake City, et auteur de l’ouvrage L’Effondrement des Sociétés Complexes.

    Si les récoltes périclitent parce que les pluies sont irrégulières, il faut construire des canaux d’irrigation. Quand ils s’envasent, il faut organiser des équipes de curage. Lorsque l’amélioration du rendement des cultures autorise une population plus nombreuse, il faut construire davantage de canaux. Quand l’étendue du réseau de canaux ne permet plus de se satisfaire de réparations ponctuelles, il faut mettre en place une bureaucratie de gestion, et la financer en levant l’impôt sur la population. Quand la population se plaint, il faut créer des inspecteurs des impôts et un système de comptabilité des sommes perçues. Tout cela était déjà bien connu des Sumériens.

    Rendements décroissants

    Il y a cependant un prix à payer. Chaque couche supplémentaire ajoutée à l’organisation impose un coût en terme d’énergie, l’unité de compte de tous les efforts humains, que ce soient la construction de canaux ou l’éducation des scribes. M. Tainter s’est aperçu qu’une complexité croissante entraîne des rendements décroissants. Le supplément de nourriture produite par chaque heure supplémentaire de travail – les joules d’énergie investis pour cultiver un hectare – diminue à mesure que cet investissement s’accroît. Nous assistons aujourd’hui au même phénomène avec la baisse du nombre de brevets par dollar investi dans la recherche au fur et à mesure de l’augmentation des investissements qui y sont consacrés. Cette loi des rendements décroissants semble être présente partout, note M. Tainter.

    Pour continuer de croître, les sociétés doivent continuer à résoudre les problèmes à mesure qu’ils surviennent. Pourtant, chaque problème résolu signifie plus de complexité. Le succès induit une population plus nombreuse, plus de spécialistes, plus de ressources à gérer, plus d’informations à traiter – et, in fine, moins de retour sur l’argent dépensé.

    Au bout du compte, estime M. Tainter, on atteint un point où toutes les énergies et les ressources à la disposition d’une société sont nécessaires uniquement pour maintenir son niveau actuel de complexité. Puis, quand le climat change ou qu’arrivent les barbares, les institutions proches du point de rupture s’effondrent et l’ordre civil avec elles. Ce qui émerge ensuite c’est une société moins complexe, organisée sur une plus petite échelle, ou qui est dirigée par un autre groupe.

    M. Tainter voit dans les rendements décroissants la raison sous-jacente de l’effondrement de toutes les civilisations anciennes, des premières dynasties chinoises à la cité-état grecque de Mycènes. Ces civilisations, utilisaient l’énergie solaire sous la forme de cultures et de récoltes de nourriture, de fourrage et de bois, ainsi que l’énergie du vent. Lorsque ces ressources ont atteints leurs limites, le système s’est brisé.

    La civilisation industrielle occidentale est devenue plus grande et plus complexe que toute les précédentes grâce à l’exploitation de nouvelles sources d’énergie, notamment le charbon et le pétrole, mais elles sont limitées. On observe de plus en plus de manifestations de la loi des rendements décroissants : l’énergie nécessaire pour obtenir chaque nouveau joule de pétrole augmente et bien que la production alimentaire mondiale ne cesse de croître, une innovation constante est nécessaire pour faire face à la dégradation de l’environnement et l’évolution des parasites et des maladies – le rendement par unité d’investissement dans l’innovation est en régression. « Dans la mesure où les problèmes sont inévitables », prévient M. Tainter, « ce processus est en partie inéluctable. »

    M. Tainter a-t-il raison ? Une analyse des systèmes complexes a conduit Yaneer Bar-Yam, dirigeant du Complex Systems Institute de Cambridge, Massachusetts, à la même conclusion que celle à laquelle M. Tainter est parvenue en étudiant l’histoire. Les organisations sociales deviennent sans cesse plus complexes car elles doivent traiter à la fois des problèmes d’environnement et relever les défis posés par les sociétés des pays voisins qui sont également de plus en plus complexes, explique M. Bar-Yam. Cela mène au bout du compte à un changement fondamental dans la manière dont la société est organisée.

    « Pour piloter une hiérarchie, les dirigeants ne peuvent pas être moins sophistiqués que le système qu’ils pilotent », explique M. Bar-Yam. Quand la complexité augmente, les sociétés doivent ajouter de plus en plus de niveaux de gestion, mais, en fin de compte dans une hiérarchie, un individu doit tenter de conserver une vue d’ensemble, et cela commence à devenir impossible. À ce moment-là, les hiérarchies cèdent leur place à des réseaux dans lesquels la prise de décision est distribuée. Nous en sommes à ce point.

    La transformation des organisations en direction des réseaux décentralisés a donné naissance à l’idée largement répandue que la société moderne est plus résistante que les anciens systèmes hiérarchiques. « Je ne prévois pas un effondrement de la société en raison de la complexité accrue », déclare le futurologue et consultant pour l’industrie Ray Hammond. « Notre force réside dans notre prise de décision très distribuée. » Ceci rend les sociétés occidentales modernes plus résistants que celles dans lesquelles la prise de décision était centralisée, comme dans l’ancienne Union soviétique.

    Les choses ne sont pas aussi simples que cela, remarque Thomas Homer-Dixon, politologue à l’Université de Toronto et auteur en 2006 du livre The Upside of Down. « Initialement, l’accroissement de la connectivité et de la diversité est une aide : si un village souffre d’une mauvaise récolte, il peut se procurer de la nourriture auprès d’un autre village. »

    Cependant, avec l’augmentation des connexions les systèmes en réseau deviennent de plus en plus fortement couplés. Cela signifie que les impacts des défaillances peuvent se propager : plus ces deux villages deviennent fortement dépendants l’un de l’autre et plus les deux souffriront si l’un rencontre un problème. « La complexité conduit à plus grande vulnérabilité à certains égards », explique M.Bar-Yam. « Cet aspect est assez peu compris. » »
    source :http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1883&var_recherche=les+soci%E9t%E9s+meurent+aussi

    Posté le 1 octobre 2009 à 11 h 44 min