La pauvre présentation du « principe des 80/20″
PPPPPPPpppppppppppooooouuuuuhhh Je sors du livre « Le principe des 80/20″ et j’avoue que je suis un peu consterné…! :-(
J’ai souvenir d’avoir découvert le principe des 20/80 (j’ai toujours entendu parler des 20/80, jamais de 80/20… Bizarre) en BTS… Ça fait donc plus de 10 ans… Dans toutes les entreprises où je suis passé, le principe de Pareto était connu et très largement utilisé que ce soit pour les entreprises côtées en bourse ou les PME… Je m’attendais donc à lire un livre qui explique comment comprendre la structure du système qui génère le déséquilibre, comment aller au-delà de l’utilisation linéaire et systématique qui en est faite…
Pareto dans son plus simple appareille… :-(
Rien de tout cela dans ce livre. A croire qu´il faut un formation approfondie type DSCG (diplôme Supérieur en Comptabilité et Gestion) pour pouvoir percer le mystère. Pour commencer, l’auteur part du postulat qu’il est communément admis que tout est équilibré. Bref pour l’auteur, la grande majorité des personnes ne connaissent pas la loi de Pareto. J’avoue ne plus savoir quoi en penser ? Suis-je déjà monté si haut dans la tour d’ivoire de l’intelligence pour ne pas percevoir l’existence d’une telle ignorance… Non je ne pense pas… Je pense plutôt que l’auteur se prête une originalité qui n’a pas lieu d’être dans la présentation de Pareto !
Donc voilà, ce livre présente de la façon la plus simple ce qu’est la loi de Pareto (j’en profite pour constater que l’auteur site plus souvent le principe des 20/80 plutôt que Pareto, peut-être de peur de se voir reprocher son manque d’originalité dans le contenu qu’il apporte…). Le fait que 20% des causes produisent 80% des effets est donc illustré sur 300 pages avec des exemples d’utilisation divers et varié dans l’entreprise, dans la vie personnelle…etc.
Pour réduire le supplice, je vous avoue que j’ai appliqué le principe des 20/80 pour la lecture de ce livre, ainsi je me suis limité à lire 20% des passages qui présentaient 80% du contenu informatif du livre… Je n’ai fait que suivre les préconisations de l’auteur ! ;-P
Un manque quasi inexcusable…
Il me semble que pour un livre portant sur les 20/80 il aurait été utile de montrer la limite de l’utilisation du concept…
1ère limite : Quand les premiers 20/80 sont traité, difficile de renouveler l’expérience !
Dans ce livre, l’auteur préconise de manière systématique l’utilisation des 20/80 pour optimiser le profit de l’entreprise. Ainsi, il incite à se focaliser sur 20% des problèmes qui occasionnent 80% des coûts induits, ou sur les 20% des clients qui représentent 80% des profits. Mais notre auteur oublie une chose importante, c’est que lorsque nous nous sommes focalisés sur les 20% des problèmes qui représentent 80% des coûts induits, si nous refaisons une analyse, la règle des 20/80 se vérifie toujours… Je ne sais pas si c’est très clair… Prenons un exemple plus simple, imaginez un pommier avec des pommes réparties régulièrement sur toute la hauteur. Avec 20% d’effort, il sera possible de récupérer les 80% des pommes les plus accessibles. Maintenant que vous avez retiré 80% des pommes initialement présentes, vous refaites une analyse. Donc à présent les anciens 20% deviennent 100% et à nouveau 20% de vos efforts vous vous permettre de récupérer 80% des pommes restantes. Cependant, vous conviendrez avec moi que ces 20% vont vous demander des efforts beaucoup plus importants que les premiers 20% que vous aviez consacré lors de la première récolte. Donc ce que l’auteur omet de signaler, c’est que tout est relatif ! Et qu’il peut être utilise d’utiliser la règle des 20/80 mais que l’analyse ne peut pas être renouvelée à l’infinie.
2ème limites : Occulter les opportunités des 80% restants
Richard KOCH nous dit de laisser tomber les 80% des clients, produits (…etc.) les moins rentables pour focaliser notre attention sur les 20% qui en génèrent davantage. Que penser des conseils de M. KOCH quand on voit le succès d’Amazon qui a fondé son business modèle sur la théorie de la longue traine ? Dans un marché dématérialisé, il devient rentable de se focaliser sur les 80% des produits qui génèrent le moins de vente, car c’est précisément ces produits qui ne sont disponibles nulle part qui peuvent permettre à un nouveau marché d’émerger en répondant à une demande que tout le monde à oublié sous le prétexte de l’optimisation par les 20/80
L’absence de systémique dans le livre, pas dans le principe des 20/80…
Dans l’introduction du livre, Richard KOCH, s’aventure à expliciter les raisons sous-jacentes de ce phénomène de distribution déséquilibrée… Pour cela il invoque la théorie du Chaos (théorie systémiste) et expliquant que le déséquilibre provient des boucles de rétroactions positives. Par exemple, si on distribue une somme d’argent égale à tout le monde, il y aura toujours des personnes plus avisées que d’autre pour gagner plus d’argent, et d’autres personnes plus avisées que les autres pour dépenser plus d’argent… Ainsi, la répartition des richesses se fait de manières inégalitaires puis ensuite le fait s’accentue du fait que l’argent amène l’argent et que les dettes entrainent les dettes.
Illustration de la régulation d’une boucle de rétroaction positive par une boucle de rétroaction négative, issue de « La cinquième discipline » de Peter Senge.
L’auteur s’en arrête là dans son explication. En fait, il n’explique pas pourquoi le rapport s’arrête à 20/80, il explique simplement qu’il y a un déséquilibre inhérent à l’organisation du système.
Le problème c’est que parfois la règle ne se vérifie pas, voire ne se vérifie plus… La règle des 20/80 est née de l’observation réalisée par Pareto au XIX siècle sur la répartition des richesses. A l’époque 80% des richesses étaient détenus par 20% de la population. Aujourd’hui si nous faisons la même observation sur le monde, nous nous rendons compte que 10% des pays les plus riches ne détiennent pas 80% des richesses, mais 90% !!! Richard KOCH reconnait volontiers que le rapport 20/80 n’est pas toujours valable, mais pour lui ce qui est important c’est le fait que les rapports ne sont pas équilibrés… Bah voyons… Vas-y que je te mélange le déséquilibre inhérent à tout système avec une loi de distribution qui donne un énoncé très précis…
Peut-être qu’en creusant un peu du côté de la systémique, notre auteur se serait aperçu qu’il y a toujours une boucle de rétroaction négative au dessus d’une boucle de rétroaction positive pour réguler le système… Dans notre exemple, les boucles de rétroaction positive sont : les riches sont de plus en plus riches et les pauvres sont de plus en plus pauvres. Dans le même système, nous disposons de boucles de rétroaction négative qui sont les impôts pour les plus riches et les subventions pour les plus pauvres. Encore au-dessus, il y a la boucle de rétroaction négative de la révolution qui viendrait rééquilibrer le système si les riches devenaient tellement riches que les plus pauvres n’auraient plus rien à perdre…
Et avant cette boucle de rétroaction négative extrême, vous avez Sarkozy qui plaide pour le plafonnement des primes pour les traders ! ;-P
Aaaahh (de soulagement), merci à toi, ma sacro-sainte systémique, pour nous apporter les clés de compréhension que ce cher Richard KOCH a oublié de mentionner dans ce si pauvre livre « Le principe 80/20″…
Bon je m’arrête là… Je vous épargne les erreurs grossières du style « La pensée 80/20 est non linéaire »…
Si vous souhaitez avoir une idée de ce que peut vous apporter la loi des 20/80 dans votre vie personnelle, je vous recommande la semaine de 4h de Feriss !
6 commentaires
Merci pour cette chronique fort intéressante :)
Je pense comme toi, effectivement il manque un livre ou une étude (ou en tout cas je n’en connais pas) qui analyse la cause du 20/80.
Sans que tu sois dans une tour d’ivoire, je pense pour ma part que le principe de Pareto est ignoré par facilement plus de 95% de la population de cette planète. Et même ceux qui le connaissent parce qu’ils l’ont étudiés une fois ou deux en cours peuvent avoir beaucoup de mal à en comprendre l’intérêt et l’universalité.
Tu as raison, je me suis fait la réflexion aussi en lisant le livre. Mais on applique le principe 20/80 au principe 20/80, il ne faut appliquer le 20/80 qu’une seule fois, non ? ;) Ainsi cela permet de vraiment se concentrer sur l’essentiel.
Tu as entièrement raison, la longue traîne s’oppose au principe 20/80. Mais la longue traîne n’est rentable que parce que les coûts nécessaires pour la produire et la maintenir sont nuls, ou quasi-nuls en regard des bénéfices associés. La longue traîne ne peut être effective que dans un milieu où à la fois l’essentiel des tâches répétitives est automatisé par des machines, et où les ressources machines sont tellement vastes que les utiliser pour entretenir la longue traîne n’impacte pas les rendements des 20% qui font 80% des bénéfices. Pour le moment, à part sur Internet, je ne connais pas d’autres milieux où c’est possible. Mais peut-être en existe t-il d’autres ? En connais-tu ?
Merci pour toute la partie systémique, ton approche du 20/80 par elle est très intéressante :) .
C’est étonnant, pour moi il me semblait évident que cette loi ne s’applique pas à la lettre et que c’est juste une loi énonçant qu’il y a un fort déséquilibre, pas qu’il y a partout *exactement* 20% des causes qui font 80% des effets. Je pense que les auteurs dans leurs livres parle du 20/80 dans ce sens – il y a un déséquilibre général entre les causes et les effets – et pas strictement en terme de 20% des causes apporte 80% des résultats.Il me semble que Richard Koch et Tim Ferris, par exemple, utilisent cette définition de la loi : il y a un déséquilibre inhérent à tout système… Tu penses que Pareto n’avait pas cette signification à la base, et qu’il parlait d’un 20/80 strict ?
Effectivement, la systémique semble être un modèle de compréhension pour toi, cela me donne envie de m’y mettre aussi, je crois que je vais enfin lire Le Macroscope ;) .
En quoi est-ce une erreur ? Peux-tu développer ?
Et encore merci pour ta chronique. Elle développe vraiment un point de vue intéressant ;) .
Posté le 18 janvier 2010 à 23 h 00 min
Bonjour Florent,
Je partage tout à fait ton point de vue sur la deuxième limite que tu indiques dans ton analyse à savoir : Occulter les 80% restants. Je m’étonnais d’ailleurs de n’avoir jamais vu de remarques à ce sujet, me voilà maintenant soulagé ;)
Je n’ai pas lu livre de Koch et j’ai découvert la loi de Pareto avec la semaine de 4 heures,.J’en ai donc une vision très pratico-pratique. Je suis persuadé que se couper des 80% restant c’est surtout se couper de nombreuses opportunités et limiter sa capacité à innover. Même si je reconnais des bénéfices à la loi de Pareto, je pense qu’une application stricte du 20/80 contribue plus à appauvrir un système qu’à le rendre efficace.
Je profite de ce commentaire pour te féliciter pour la qualité de ton blog. J’ai découvert l’analyse systémique l’année dernière avec le macroscope. Ça demande pas mal de temps pour comprendre les différentes facettes de cette discipline et le jargon qui est associé. C’est à pratiquer au quotidien on dirait …
J’ai récemment lu la logique de l’échec (je ne sais pas si tu connais ce livre), ça ressemble furieusement à de l’analyse systémique bien que l’expression ne soit jamais utilisée dans le livre.
Bonne continuation
Posté le 19 janvier 2010 à 22 h 59 min
@ Olivier (le 1er) ;-)
95% des personnes ne connaitraient pas la loi de Pareto… Je ne sais pas, ça me parait beaucoup… Je veux bien admettre qu’une majorité des personnes ne connaissent pas la loi de 20/80, mais de là à dire que les gens ont un a priori d’équivalence entre les causes et les effets, c’est un peu « fort de café » de la part de l’auteur non !?
Effectivement, une analyse des 20/80 efficace ne s’utilise qu’une fois… Mais le problème c’est que lorsque tu es manager, tu es souvent responsable d’un nombre très limité d’indicateurs à optimiser. Et tous les ans, on te demande d’améliorer le même indicateur toujours d’autant. Personnellement, j’étais responsable d’un taux de non-qualité qu’on me demandait de réduire de 50% tous les ans… J’ai atteint mes objectifs trois ans de suite, mais je peux t’assurer que les efforts déployés n’ont pas été les même entre la première et la troisième année…! ;-) Donc, bien souvent le choix des indicateurs à améliorer échappe aux managers… :-(
Le 3ème point : le strict rapport 20/80.
La loi de Pareto est une loi de distribution. Comme toute loi de distribution, elle énonce une équation qui se vérifie systématiquement. Sinon, ce n’est plus une loi, c’est un simple constat de déséquilibre (Voir l’équation ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Distribution_de_Pareto). De la même façon, la loi de Benford, une autre loi de distribution (celle-ci bien peu connue malgré qu’elle soit également très puissante, cf http://leansixsigma.free.fr/?p=76 ) énonce également une équation qui fournit les valeurs attendues.
Tout ça pour dire que c’est un abus de langage de réduire les 20/80 à une loi de déséquilibre. La loi de Pareto énonce donc une équation qui donne une courbe, et le rapport 20/80 est le point d’infléchissement de la courbe.
Mais il serait intéressant de comprendre pourquoi dans certains cas le rapport ne se vérifie plus… Comme le principe 20/80 est une loi naturelle, personnellement je serais amené à penser que cela viendrait nécessairement d’un artefact (Système issu de l’humain) qui viendrait perturber les boucles de rétroactions négatives (Cf syndrome de la grenouille ébouillantée)… A creuser…! ;-P
4ème point : linéarité, non-linéarité de Pareto
L’utilisation qui est faite de Pareto est strictement linéaire…
indicateur Y = 20% A + 18% B + 15% C + 10% D + 4% E + …etc.
Donc, nous avons plusieurs liens de cause à effet directs (linéarité) de type cause A produit un effet B.
Ce qui n’est pas linéaire est récursif… On retombe dans la systémique… ;-)
Dans un problème non linéaire, A cause B qui cause C qui cause A… Ca n’est pas linéaire, car il y a une boucle de rétroaction.
Là encore, l’auteur a fait un amalgame entre l’équivalence du rapport et la linéarité du lien cause effet… :-(
@ Olivier (le 2ème) ;-)
Effectivement, il peut être dangereux d’écarter les 80% restants… Au-delà de la théorie du la longue traine, il peut arriver que l’on s’attaque aux 20/80 des causes, mais que la réduction de ces problèmes se reportent sur les 80% restant. Ne s’occuper que des premiers 20% c’est occulter toute une partie du problème générale, et c’est parfois dans ces 80% restants que demeures la solution pour corriger l’ensemble (100%) du problème. Bref, se focaliser sur les 20/80 est totalement antisystémique puisque cela signifie que l’on considère que le tout est égal à la somme des parties, hors, comme j’en ai déjà fait mention, le tout est à la fois plus (propriété d’émergence) et moins que la somme des parties (propriété d’appauvrissement, de virtualisation de propriétés latentes…).
Pour ton dernier commentaire… Effectivement, l’assimilation de la systémique et plus largement de la pensée complexe est un travail assez long… J’ai lu plus d’une vingtaine de livres sur le sujet et j’en apprends à chaque nouvelle page que je lis de la méthode de Morin par exemple… Mais en même temps c’est passionnant, ca révèle tout ce qui se joue autour de nous sans que vous en prenions conscience…!!!
Au plaisir de vous lire tous les deux.
Posté le 20 janvier 2010 à 20 h 59 min
Bonsoir Florent,
Intéressant le commentaire de ce livre. C’est vrai qu’il semble assez pauvre. Au moins un livre que je n’aurai pas à lire…
J’ai découvert la loi de Pareto dite des 80/20 ou des 20/80 dans les années 80 dans le cadre des Cercles de Qualité. C’était dans l’étape d’évaluation des causes d’un problème à résoudre. Il s’agissait de prendre les 2 ou 3 causes qui provoquaient le plus de défauts. La proportion n’était pas mathématiquement de 20 / 80. Mais c’était un ordre de grandeur. Je ne suis pas sûr non plus que ces causes suivaient une loi telle que décrite dans Wikipédia. Et je ne me souviens pas m’être posé la question de la linéarité de cette loi…
Loin de la rigueur des mathématiques ou des statistiques, ce qui nous intéressait, c’était le côté pratique et un bon moyen de déterminer à quelles causes on devait s’attaquer en priorité. En fonction du niveau de qualité visé, on résolvait une, deux ou trois, voire plus, de causes.
Les opérateurs comprenaient très bien cette règle. A l’époque, dans les entreprises qui mettaient en oeuvre des Cercles de Qualité, cette loi était connue de tout le monde. Il semble qu’on l’ait oubliée depuis…
Au plaisir de te lire.
Posté le 26 janvier 2010 à 23 h 39 min
Bonjour Bernard,
Je suis bien d’accord avec toi, il importe peu que les 20/80 se justifie tout le temps… Ce que je voulais surtout relever, c’est la légèreté de l’auteur vis à vis du sujet qu’il traite…
Merci pour le retour historique de l’utilisation de la loi de Pareto… Et comme toi, je ne suis un inconditionnel de wikipédia…! ;-P
Au plaisir de te lire.
Florent.
Posté le 28 janvier 2010 à 12 h 18 min
c’est paréto qui est célèbre en économie polique pour cetteloi de déséquilibre entre autre et pour l’égalité entre entre un équilibre walrasssien et un équilibre paréto optimal . Un facilitateur de connaisance étonné du manque de culture entreprenariale et économique des gens à l’heures actuelle où sevoir poindre tant de revendication économiques politiques et sociales . je vais paraphraser Marx il ya 150 ou pkus quand même .. qui disait: » il faut lire l’événement » et élever sa structure idéologique ici celle de l’abandon et l’inculturation voire de l’obscurantisme . Braillard et négativistesw de tout bord vous s BYE A +
Posté le 16 mars 2010 à 15 h 51 min