MS – La cinquième discipline
Bonjour à tous..! ;-)
C’est avec grand plaisir que je reviens avec une modélisation systémique (suite à mes nombreuses lectures sur la systémique, mon doute sur l’amalgame naissant de l’expression antinomique « analyse systémique » s’est levé… Aussi, dorénavant je parlerai davantage de modélisation systémique pour vous permettre de mieux discerner ce qui relève de la pensée analytique qui dissèque, de la pensée systémique qui globalise…) d’un de mes livres préférés : « La cinquième discipline », malheureusement introuvable dans son édition française :-(, de Peter SENGE. Ce livre explique comment la pensée systémique peut transformer nos entreprises en organisations apprenantes.
Dans ce livre Peter SENGE présente les 5 disciplines que l’entreprise et ses collaborateurs doivent mettre en place afin d’atteindre l’excellence opérationnelle.
Ces 5 disciplines sont :
- La maîtrise personnelle
- La remise en question des modèles mentaux
- La vision partagée
- l’apprentissage en équipe
- Et la cinquième, bien sûr… La pensée systémique
Pour rentrer un peu plus dans le détail des concepts présentés, voici la modélisation systémique d’une organisation apprenantes qui se fonderait sur les 5 disciplines de Peter SENGE.
Posons le système…
Les petits mécanismes que vous voyez en orange représentent des sous-systèmes. En systémique, lorsqu’on ne souhaite pas rentrer dans le détail d’un sous-système on le représente par ce qu’on appelle une boite noire. En systémique, on admet que tous les niveaux de détails ne sont pas nécessaires à la compréhension du système plus générale. Revenons à notre modélisation systémique, le petit sous-système représentent les individus qui travaillent au sein de l’entreprise. Puis vous avez des sous-systèmes plus importants qui représentent les équipes ou les services, bref les niveaux hiérarchiques consolidés des organisations. Et enfin, vous avez un grand sous-système qui représente le plus haut niveau de la hiérarchie. En amont du système, vous avez des évènements qui viennent alimenter la vie de l’entreprise, et bien sûr, l’entreprise et les collaborateurs réagissent à ces évènements par des actions qui donnent naissance à de nouveaux évènements sur son environnement.
Les cinq disciplines…
Maintenant que nous avons une vue générale de notre système, nous allons montrer comment les cinq disciplines interagissent entre elles. Trois des 5 disciplines concernent l’individu, c’est-à-dire le niveau le plus fin dans notre représentation. Pour que l’organisation devienne apprenante, Peter SENGE nous démontre que chaque individu qui la compose doit se développer personnellement. Le développement personnel des individus passe par une maitrise personnelle, c’est-à-dire un apprentissage constant. On rejoint ici les concepts évoqués par H. A. Simon qui nous expliquent que les individus sont aptes à développer des choses en fonction de ce qu’ils connaissent. Offrez une forêt à un bucheron, il coupera les arbres et chauffera sa maison avec, offrez la même forêt à un chef d’entreprise et il refera une industrie du meuble façon Ikéa… CQFD tant que vous n’avez pas conscience de ce que vous pouvez faire, alors vous resté cantonné à ce que vous avez conscience de ce qui se fait.
La remise en question des modèles mentaux…
Cela nous amène à la deuxième discipline qui consiste à remettre en cause nos modèles de pensée. Toutes nos réflexions reposent sur nos schémas mentaux. Ils nous permettent de raisonner plus rapidement. En revanche, ne jamais remettre en cause ses schémas de pensée peut nous conduire à l’aveuglement dans certaines solutions. Remettre en cause ses modèles c’est sortir de son cadre de référence pour ouvrir notre perception. Mais sortir de notre cercle de référence c’est aussi sortir de notre zone de confort. C’est pour cela que progresser n’est pas naturel. Cette évolution du collaborateur est présentée dans ma modélisation par le double cercle vert qui entoure un sous-processus. Si vous vous en souvenez, j’avais déjà utilisé cette représentation dans la chronique de la semaine de 4 h.
La pensée systémique…
La pensée systémique, ou plutôt l’intégration de la complexité dans nos modèles de pensée constituent la 3ème discipline qui doit être pratiquée par les collaborateurs de l’entreprise. Il faut sortir de l’idée reçue que l’apprentissage nait de l’expérience. Apprendre à marcher, à manger, à nager relève de l’apprentissage par l’expérience, mais dans les organisations complexes que sont les entreprises les délais entre l’action de l’individu, l’impact sur son environnement et l’information par rétro-action sont trop longs pour être interprété comme lien de cause à effet et donc pour être assimilé comme expérience. Par ailleurs, la complexité fait naitre des interactions innombrables que notre rationalité limitée (H. A. Simon, sort de ce corps…! ;-P ) ne nous permets pas d’appréhender.
Dans le passage sur la pensée systémique, l’auteur fait mention de beaucoup d’erreurs de jugement que nous faisons naturellement du fait du paradigme analytique dans lequel nous sommes enfermés depuis notre plus lointain souvenir. En voici une liste non exhaustive que j’ai relevée pour vous :
- La pensée systémique renvoie la responsabilité sur le système et non sur l’individu. Ainsi, toute responsabilité est partagée. A partir du moment où l’on intègre la pensée systémique, nous savons très bien que les comportements découlent de la structure du système, il ne sert donc à rien de blâmer des comportements. Intéressons nous plutôt à modifier la structure du système afin qu’elle génère les comportements attendus.
- Agir sur les comportements, comme c’est souvent le cas, introduit une tension dans le système. Cette tension sera tôt ou tard résolue par le système. Plus la tension sera forte, plus la réaction du système sera forte. Ce passage reprend longuement les concepts présentés dans le livre « The Path of least resistance » (inclus dans le PMBA)
- Chacun raisonne selon sa propre position (anthropocentrisme), ainsi sans intégré la pensée systémique, chacun tentera de faire de son mieux localement pour améliorer le système. Or en systémique, nous savons très bien que l’optimum global n’est pas égal à la somme des optima locaux. Si cette affirmation vous rend perplexe, je vous invite à lire « le but » de Goldratt ou de vous replonger dans ma chronique sur la TOC.
- Lorsqu’on ne pense pas les choses de manière systémique, nous avons tendance à ne pas faire attention à certaines tendances très légères, mais structurelles. C’est le syndrome de la grenouille ébouillantée. Mettez une grenouille dans une casserole d’eau chaude et celle-ci sautera pour s’en échapper. Maintenant, prenez la même grenouille et posez-la dans une casserole d’eau tiède que vous mettrez sur le feu et vous verrez que la grenouille ne bougera pas jusqu’à se faire ébouillanter et mourir. Dans un système, il y a des boucles de rétroactions qui transmettent de l’information pour prendre des décisions. Si ces boucles de rétroactions sont inexistantes ou inefficaces, cela peut mettre en danger de manière importante de système. Pour en revenir à des problématiques de business qui seront plus parlantes pour vous, je vais vous raconter une petite histoire… Savez-vous que c’est dans les laboratoires de Kodak qu’a été inventé l’appareil photo numérique ? Difficile à imaginer quand on sait que c’est cette même technologie qui a quasiment anéanti ce si prestigieux groupe. C’est l’exemple parfait du syndrome de la grenouille ébouillantée. Kodak s’est acharné à penser que le modèle économique de la photo reposait sur le développement des pellicules alors que petit à petit le paradigme de ce marché s’orientait vers la numérisation et l’autonomie des utilisateurs
- …etc. Il y a bien d’autres travers qui sont présentés dans le livre, mais je vous laisserai les découvrir par vous-même…
l’apprentissage en équipe…
Après les disciplines individuelles, nous en venons aux disciplines collectives… Commençons par l’apprentissage en équipe. Peter SENGE nous parle d’éclanches (flèches vertes sur ma modélisation) et du fruit de la collaboration en équipe. Pour évoquer cela, revenons aux propriétés systémiques, puisque c’est bien de cela dont le livre fait mention. Un système est à la fois plus et moins que la somme des parties qui le composent ! Hum Hum… Vous vois-je faire… ;-P Le travail d’équipe permet de générer des idées auxquelles les personnes seules n’auraient jamais pensées… Donc le système « Equipe » est plus que la somme de ses parties (les individus qui le composent). Mais c’est également moins que la somme des parties qui la composent, car dans une équipe, chaque individu ne va pas exploiter l’ensemble de ses capacités. Par exemple j’évoque rarement mon intérêt pour la systémique et le lean six sigma quand je suis avec mes amis et inversement, lorsque je suis au travail j’échange rarement sur mes goûts pour les séries TV américaines…
Peter SENGE se focalise davantage sur le fructueux travail d’équipe. Pour cela il préconise d’assurer une certaine intensité des échanges. Une équipe qui échange beaucoup sera plus prolifique et plus en capacité d’avancer qu’une équipe ou chaque individu resterait dans son coin.
La vision partagée…
Une fois que toute l’organisation est au fait de la pensée systémique, que le travail en équipe est fructueux, alors il ne reste plus qu’à poser une Vision de ce vers quoi l’organisation souhaite se projeter pour créer une tension et faire en sorte que tous les comportements soient orientés vers cette vision. Là encore, les concepts reprennent très largement le contenu du livre de Fritz « The Path of Least Resistance ».
Une vision ne doit pas partir de la réalité d’aujourd’hui et vouloir effacer les éléments qui ne conviennent pas… Non une Vision doit projeter quelque chose de positif, quelque chose vers lequel on doit tendre sans considération aucune de l’existant. Poser une vision suffira à créer une tension qui se résorbera d’elle-même par la mise en phase des comportements pour atteindre cette vision.
Vous avez peut-être le sentiment que je me répète, mais c’est un point important. Peu de dirigeants sont capables de projeter une Vision, les derniers exemples moribonds de l’actualité ne viendront pas contredire mon propos… Pour vous donner un exemple de ce qu’est une vision, je vous citerai un article de Lean Machine Square qui présente les coulisses d’une décision du président de la branche américaine de Hyundai. Celui-ci avait déclaré devant la presse qu’à partir d’une certaine date tous les véhicules de la marque seraient garantis 10 ans, ce qui n’avait jamais été fait auparavant… Suite à la conférence de presse, le président est venu présenter son plan devant ses ouvriers et leur a dit «Voila, vous avez tous suivi ma conférence de presse. Vous savez tous que notre offre de garantie nous conduira vers la faillite si nous ne pouvons pas produire des voitures fiables. Vous savez ce qui nous reste à faire maintenant … ». Quel meilleur exemple que celui-ci pour présenter ce qu’est une vision ? Vous trouverez peut-être cette méthode un peu brutale… Mais quand on connait la nécessité du respect des salariés pour atteindre de tels niveaux de qualité, nous n’avons pas trop de soucis à nous faire. Et les résultats dans tout cela ? Selon les résultats d’une étude sur la qualité des constructeurs parue en 2009 il s’avère que Hyundai pointe parmi les premiers du classement et affiche la plus belle progression…
Nous avons fait le tour d’horizon des cinq disciplines évoquées par Peter SENGE dans « The Fifth Discipline » pourtant la modélisation systémique parait encore un peu obscure… Je m’en vais de ce pas vous éclairer un peu… ;-)
Le nuage orange c’est l’organisation telle qu’elle se présente aujourd’hui, le nuage bleu c’est la vision de l’organisation de demain. Les petits sous-systèmes sont les individus, les sous-systèmes plus importants révèlent le fruit de la collaboration des individus entre eux. Le gros sous-système à droite symbolise le niveau hiérarchique le plus haut. En dessous de ce sous-système, vous avez un individu qui est le dirigeant. C’est à lui que revient la responsabilité d’avoir une vision systémique de l’organisation telle qu’elle est aujourd’hui (petit oeil à droite) et de projeter une nouvelle vision (gros oeil) qui sera partagée par tous et à tous les niveaux (flèches vertes). Dans ce cadre, tous les évènements extérieurs seront intégrés et interprétés (sous-système d’intégration en haut du système) au prisme de la nouvelle vision et pour l’intérêt du fonctionnement de la globalité du système. Dans ce cadre, les actions (flèches bleues) ne sont pas en réaction aux évènements extérieurs, mais tendent à résoudre la tension provoquée par la vision insufflée par la direction. Enfin, par les échanges, l’organisation est apprenante et se développe (double cercle vert) et s’enrichit des compétences de chacun qui tendent aussi à croitre.
Voilà le fonctionnement du système de Peter SENGE avec les 5 disciplines , maintenant présentons le fonctionnement d’une organisation quelconque ou l’optimum global est assimilé à la somme des optima locaux. Les évènements de l’environnement sont interprétés individuellement. L’individu tentera d’apporter une réponse optimum en fonction de sa problématique locale. Nous appellerons cette réponse une action-réaction (flèche rouge). De cette action l’organisation n’apprendra rien et sera probablement confrontée à la même problématique plus tard ou dans un autre service. Le magnifique exemple du jeu de la bière présenté dans le début du livre montre de manière très explicite comment les décisions d’optimisation locale peuvent avoir des répercussions désastreuses sur l’ensemble du système…
Alors, laquelle de ces deux organisations choisissez-vous ?
Pour le PMBA, préférer « The Fifth Discipline » à « The Path of Least Resistance » !
Mon idée n’est pas de décrier l’excellent livre « The Path of Least Resistance », bien au contraire, si celui-ci est si longuement cité dans « The Fifth Discipline » et si j’en ai fait mention à plusieurs reprises sur mes blogs (ici et ici), c’est bien que son contenu est plus qu’intéressant. Cependant, le PMBA induit une idée d’efficience dans l’étude des concepts. Or « The fifth discipline » reprend la plupart des concepts présentés dans « The Path of Least Resistance » (la Vision, les tensions, la structure du système qui induit les comportements plutôt et non l’inverse, la nécessité du développement personnel..etc.). Si on devait mettre de côté la forme même du livre de Robert Fritz (très redondant et très « lourd » à la lecture) il resterait que la cinquième discipline va plus loin dans le sens où tous les concepts sont intégrés dans une approche globale de l’organisation. Si vous souhaitez en savoir davantage sur « The Path of Least Resistance », je vous recommande très vivement la lecture du résumé d’Olivier ROLLAND sur son blog « Des Livres Pour Changer de Vie«
Niveau du livre, vous l’aurez compris :
Pour vous procurer ce livre c’est par ici…
Bravo aux courageux qui auront lu cet article dans son intégralité ! ;-P
4 commentaires
Merci pour cet article, mes cours etant dispensé en anglais et mon niveau n’étant pas vraimant à la hauteur, il m’a vraimant aidé à mieux comprendre mon cours et surtout à l’apprecier
Posté le 13 décembre 2009 à 16 h 42 min
Merci pour les précisions des 5 disciplines. Mon cours les a en effet juste cités, ce qui n’est pas suffisant pour comprendre le sens! Quel dommage que ce livre de P. Senge ne soit pas trouvable dans son édition française! Avec mes meilleurs messages.
Posté le 20 juin 2010 à 11 h 16 min
Bonjour Florent,
Merci pour cette analyse. il est étonnant qu’un livre aussi marquant soit aussi peu connu. Je confirme son indisponibilité en français, certains osent le proposer d’occasion pour la modique somme de 230€ – une rareté – donc.
Cordiales salutations
Christian
Posté le 28 avril 2011 à 11 h 06 min
Je suis d’accord pour regretter que ce livre ne soit plus disponible dans sa version française. Les internautes devraient demander à l’éditeur de le réediter…
Le traducteur adaptateur,
Hervé Plagnol
PS : J’avais pris un grand plaisir à le traduire et lui adjoindre des citations notamment d’Edgar Morin
Posté le 28 octobre 2011 à 0 h 07 min