5 commentaires

  1. Joël-Henry GROSSARD,

    Cher Florent,

    J’aimerais garder au débat une tenue de bon aloi et je voudrais être certain que tu partageras cette exigence sans laquelle il n’y aurait plus que la polémique, et la polémique ne m’intéresse pas plus qu’elle ne t’intéresse.

    Pour ce qui me concerne, je ne mets pas en cause ni la pertinence de l’analyse systémique ni sa capacité à expliquer les comportements des systèmes qu’elle étudie.

    Ce que je ne peux pas accepter, c’est que tu puisses inférer de ta connaissance de la systémique des conclusions sur l’appropriation par Goldratt de ces idées et de prétendre, sans aucune autre preuve que ta conviction zélée, qu’il a sciemment caché d’où il tenait ce qu’il a présenté comme ses idées.

    En d’autres lieux que ces forums confidentiels, de telles accusations sans preuve pourraient appeler rectification, excuses et réparation, si la victime en avait connaissance.

    Tu fais référence dans ton post à son livre « The Choice » que je considère comme le plus abouti sur la façon dont Goldratt appréhende le monde qui l’entoure.

    Le paradigme de la TOC ne se limite pas, loin de là, à la partie ressemblant au paradigme de la systémique – le tout n’est pas égal à la somme des parties – ni même à celle qui s’y oppose sur la complexité, puisque selon ton analyse, Goldratt falsifie la notion de système pour valider l’idée de l’inhérente simplicité de la réalité.

    Soit dit en passant, cette idée de l’inhérente simplicité de la réalité n’est pas revendiquée comme sienne par Goldratt puisqu’il nous indique dans The Choice qu’il l’a emprunté à Isaac Newton, qui, dans les Principii, énonce « Natura valde simplex est et sibi consona », que Goldratt traduit par « Nature is exceedingly simple and harmonious with itself. »

    De temps en temps, cet emprunteur indélicat cite ses sources…

    La TOC préconise une démarche holistique fondée sur le fait que tout système organisé de ressources interdépendantes a un but et que la performance pour atteindre ce but est mesurable. Elle définit précisément les 3 mesures (globales, d’où le qualificatif holistique) pour y parvenir dans le secteur du profit : le Throughput, l’Inventory et les Operating Expenses, le but étant gagner de plus en plus d’argent, maintenant et dans le futur…à
    quelques années lumière – à mon avis – des sujets d’étude de la systémique.

    Avec le paradigme de la TOC disparaissent les notions de coût complet d’un produit, de comptabilité analytique, de production en quantités économiques, d’efficiences, de survalorisation des stocks, etc…

    Mais revenons à l’argumentation que tu développes.

    Goldratt écrit : « The prevailing definition for complexity is, the more data elements one has to provide in order to fully describe the system, the more complex the system is. » que je traduis plutôt par « La définition qui prévaut pour la complexité est que, plus on a de données à fournir pour décrire complètement le système, plus le système est complexe ».

    Ce que veut dire Goldratt par là n’a rien à voir, à mon sens, avec les intentions que tu lui prêtes : il veut dire simplement que l’homme de la rue, toi, moi, percevons un système comme complexe dès lors qu’il est difficile de le décrire en quelques mots, et que cette perception de la complexité s’accroît avec le nombre de mots nécessaires pour le décrire, et que nous allons en conclure que, puisque le système est complexe, nous ne pourrons pas agir sur lui simplement.

    Tu notes qu’il ajoute « But, there is another definition of complexity. If you are a scientist, or a manager, you are not so much interested in the description of the system. You are more interested in the difficulty of controlling and predicting its behavior, especially when changes are introduced. Your definition of complexity is, the more degrees of freedom the system has the more complex it is » ce que je traduis par « Mais, il y a une autre définition de la complexité. Si vous êtes un scientifique, ou un manager, vous n’êtes pas trop intéressé par la description du système. Vous êtes plus intéressé par la difficulté à contrôler ou à prévoir son comportement, particulièrement quand des changements sont introduits. Votre définition de la complexité est plus le système a de degrés de liberté, plus il est complexe ».

    L’idée de Goldratt, c’est de montrer que le scientifique (et il espère entraîner le manager sur cette voie) ne perçoit pas la même complexité que le commun des mortels. Ce qu’il traduit par la difficulté à gérer un système présentant plusieurs degrés de liberté (bien entendu, on n’est plus alors dans un système de ressources interdépendantes, mais dans un système de ressources indépendantes, ce qui est à l’évidence bien plus difficile à gérer, car cela part dans tous les sens, comme pour ces artistes qui tentent de maintenir des assiettes en rotation sur des tiges flexibles).

    L’idée profonde, productive, est qu’on va pouvoir agir sur un tout petit nombre de facteurs avec une très grande efficacité globale. C’est bien sûr la contrainte, mais c’est aussi le core problem ou la root cause, et c’est toute la base des Thinking Processes, outils dédiés à la conduite du changement.

    Et, en plus, ça marche superbement…et comme ça marche superbement, je me fiche bien, et Goldratt avec moi, de savoir si c’est rigoureusement prouvé et si ça correspond bien ou pas aux paradigmes prévalant chez le Shadocks, les Gibis et autres systémiciens de tout bord.

    Tu nous dis : « Dans l’approche systémique, un système est jugé complexe quand il devient imprévisible et difficilement contrôlable. ». La TOC affirme de son côté: « Il n’y a pas de système de ressources indépendantes qui ne soit pas contrôlable » Tout est finalement simple, dans la réalité, si l’on sait identifier la contrainte, l’exploiter, tout lui subordonner, l’élever, et inlassablement recommencer.

    Là où visiblement tu n’as pas encore tout compris, c’est que Goldratt ne s’intéresse pas aux systèmes présentant des degrés de liberté qui les rendent ingérables (et qui sont pour lui des systèmes complexes), mais qu’il s’intéresse aux systèmes à un seul degré de liberté (où toutes les ressources sont interdépendantes), car eux, qui sont perçus par le plus grand nombre comme complexes, sont pour lui gérables à partir d’un tout petit nombre de
    facteurs.

    Ce cas s’est présenté récemment dans ma pratique professionnelle : j’ai affaire à une petite entreprise spécialisée dans la vente de ramettes de papier et autres fournitures (enveloppes, chemises, dossiers, etc.) et qui compte six commerciaux. Ces commerciaux pratiquent la « vente à la papa » : très autonomes, ils organisent leur temps de travail selon leur bon vouloir entre la prospection, les relations clients, la rédaction des devis, les relations avec les fournisseurs, la formation aux nouveaux produits, les visites au siège, etc… Ils ont des secteurs attribués, sont rémunérés sur leur marge brute mensuelle, et depuis des années, l’affaire stagne, toutes les tentatives de motivation/sanction ayant peu ou prou échouées.

    En termes de système, on est en présence d’un système composé de six ressources indépendantes, donc à six degrés de liberté : c’est ingérable et incontrôlable.

    Cette analyse rapidement faite, grâce à la TOC, j’ai entrepris de convaincre le dirigeant de transformer ce système en un système de ressources interdépendantes, par définition contrôlable et gérable. Il fallait que ces véritables artisans de la vente deviennent les membres d’une équipe soudée au moyen de la mise en place d’un process analogue à celui d’une équipe de relais.

    Cette solution TOC existe. Elle est générique et s’appelle le Sales Process Engineering. Ce n’est pas ici la place pour développer cette solution, mais saches simplement qu’elle considère que le vendeur est la contrainte du système et qu’elle lui applique les 5 focusing steps à la Goldratt.

    Enfin, pour te faire imaginer mon point de vue sur le manque de rigueur intellectuelle de Goldratt qui, selon toi, nous « prive d’une perception plus variée des systèmes qui nous environnent (sic) », je te poserai une question et une seule : quelles chances penses-tu avoir de convaincre un de tes clients, chef d’entreprise, d’adopter l’analyse systémique
    au prétexte qu’elle lui offrira une perception plus variée des systèmes qui l’environnent ?

    Bien cordialement.

    Posté le 10 juillet 2010 à 18 h 36 min

  2. Florent F.,

    Bonjour Joel-Henry,

    Je vois que tu ne manques pas de ressource pour alimenter le débat. Ne pense pas que je me prenne trop au sérieux dans la publication de ces articles. Si j’écris cette série d’articles, c’est avant tout pour le plaisir du remue-méninge que ca me procure… Je n’ai aucunement l’envie de me « prendre la tête ». Nos avis divergent, et c’est bien cela qui rend le débat intéressant. Un débat entre personnes qui se congratulent et abondent toujours dans le même sens est à mourir d’ennui…! ;-)

    J’ai lu « The Choice » sous ton conseil… Tu trouves que c’est son livre le plus abouti… De mon côté, je pense que c’est un livre assez pauvre, je n’y ai trouvé aucune idée originale. Franchement, Goldratt n’a pas beaucoup de valeur ajoutée à apporter dans le domaine du développement personnel.
    Si d’autres personnes l’ont lu, je les invite à donner leur avis sur cet ouvrage… ;-)

    Tu parles du paradigme de la TOC, pour moi il ne s’agit pas d’un paradigme, mais d’une méthodologie.

    Je suis ravi que sur le tard, Goldratt nous propose quelques références… Euhhhh deux référence : Newton et Deming. Un peu court tout de même sur l’ensemble de son œuvre (peut-être en cite-t-il d’autres ?). Ce point me dérange beaucoup. Si Goldratt, se prétend adopter une démarche de scientifique, pourquoi ne pas systématiquement citer ses sources dans ses ouvrages. Exemple, pourquoi ne pas citer PERT et la loi de parkinson dans son livre « Critical Chain » ? Je pense que de citer les références, cela donne plus de crédit à l’ouvrage, mais Goldratt ne doit pas penser de la même manière.

    Je n’ai rien à redire sur ton paragraphe où tu mentionnes la Toc et ces indicateurs. Nous ne parlons plus de paradigme, mais d’outils méthodologiques. C’est bien là l’apport de Goldratt, je ne lui ai jamais retiré cela.

    Sur la première définition de la complexité. Tu as mal compris mes intentions. Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’il ait repris une définition que l’on peut considérer comme communément admise par le commun des mortels, pour mieux ensuite présenter sa propre définition.

    J’admire la méthode Coué qui consiste à dire que finalement tout est simple. On a ainsi vite fait de mettre de coté la notion même de simplicité.

    Tu dis « que Goldratt ne s’intéresse pas aux systèmes présentant des degrés de liberté qui les rendent ingérables ». Je pense moi que ce ne sont pas des systèmes puisqu’il n’y a pas interaction et finalité commune. Ainsi ne reste plus qu’un panier où Goldratt met tout le reste, système simple, système compliqué et système complexe.
    L’exemple que tu présentes est un système en étoile (Cf théorie des réseaux). Il y a bien dépendance avec le niveau hiérarchique supérieur (Le directeur commercial).

    Enfin à ta question :
    quelles chances penses-tu avoir de convaincre un de tes clients, chef d’entreprise, d’adopter l’analyse systémique au prétexte qu’elle lui offrira une perception plus variée des systèmes qui l’environnent ?
    Très peu. Mais je ne comprends pas le sens de ta question. J’ai déjà utilisé une modélisation systémique (méthodologie qui repose sur le paradigme systémique, comme la TOC le thinking process et les autres méthodes développées par Goldratt) et comme la TOC peut interpeller (encore que trop peu d’entrepreneurs), cette modélisation a fait mouche.

    L’exercice du débat n’est pas aisé sur internet… On voit bien les malentendus qui émergent de par et d’autre… Juste pour te dire que mon article de conclusion posera, je l’espère, le fruit de ma réflexion sur l’apport de Goldratt. Tu sembles penser qu’à mes yeux, Goldartt n’a pas apporté grand-chose. Si c’est le cas, tu te trompes. Goldratt a fait beaucoup ! J’en suis pleinement conscient et c’est bien pour cette raison que je souhaite définir des frontières entre paradigme systémique et méthodologies de Goldratt pour mieux mettre en perspective l’intérêt d’utiliser ses outils.

    Au plaisir de te lire.
    Florent

    Posté le 11 juillet 2010 à 20 h 06 min

  3. Yannick SIRJEAN,

    Bonjour,
    Je suis en train de découvrir ce blog. J’avais vaguement entendu parler de l’analyse systémique en IUT génie mécanique et productique. Je suis en train de me demander quelles seraient les applications de ce type d’analyse pour ma classe de technologie, au niveau de son fonctionnement et dans mon enseignement (étude de systèmes simples). Au niveau vulgarisation, je vais essayer de trouver des ouvrages simples pour commencer.

    Posté le 2 août 2010 à 22 h 39 min

  4. Florent F.,

    Bonjour Yannick,

    Pour apprendre la modélisation systémique, je vous invite à lire « Le macroscope – Vers une vision globale« .
    Si vous maitrisez la lecture en anglais, « Thinking in Systems: A Primer
     » est également très bien fait.

    Au plaisir.
    Florent.

    Posté le 8 août 2010 à 19 h 01 min

  5. securite-economie,

    Monsieur,

    Votre article est clair, bien écrit et résume le distinguo entre Goldratt et l’analyse multiple des systèmes à des degrés divers et variés.

    En tant qu’un professionnel de la chose ( … spécialiste de la sécurité ) je me permets d’apporter quelques éléments qui éclairent un peu mieux l’approche de Goldratt. La partie se  » pige mieux  » en récapitulant les objectifs de Goldratt, en ré-formulant les points de vue de sa méthode, en indiquant un ou deux logiciels intéressants :

    Les objectifs de la TOC, ou comment faire au plus simple et au plus vite

    La TOC sert les intérêts d’un contrat, pas une analyse scientifique approfondie. Quand l’on comprend ce genre de postulat, on se sent tout de suite mieux. Et pour cause, les managers disposent d’un paquet d’objectifs soit donnés par les tableaux stratégiques ( quand ils sont salariés et se contentent de gagner peu ) soit purement contractuels de type EPC / EPCI ( quand ils veulent gagner plus, en prenant des gros risques ).
    L’intérêt de la méthode reprend alors l’assujettissement contractuel comme finalité unique, même-si c’est pas dit dans la chanson. Grâce à la simplicité et à la démarche TOC, on peut obtenir des améliorations rapides des processus techniques ( bottlenecks ) ou éventuellement organisationnels ( policy constraints = mais là c’est beaucoup plus dur, car vous travaillez sur le changement du comportement des gens ).

    La méthode est simple, mais pas simpliste

    Une fois la finalité comprise, le reste suit facilement. D’abord, l’analyse des objectifs, ensuite l’on récapitule la situation et après l’on propose et évalue les résultats. Cela fait appel aux graphes et aux graphiques d’analyse partant de deux choses logiques :

    1) Sufficient cause – Causes suffisantes pour provoquer l’effet étudié

    2) Necessary conditions – Conditions nécessaires pour provoquer l’effet étudié

    L’effet final est mesuré par un mix : Throughput / Inventory / Operating expense. Une fois la contrainte modifiée, on se reporte sur une autre contrainte autogénérée par le système du fait et de son évolution non conditionnée par la modification et du fait de sa modification conditionnée.

    Rien ne vous empêche de faire d’autres analyses de comportement sur les causes identifiées par TOC, là nous sommes d’accord. En comprenant, que nous ne sommes plus face au même but.

    Les outils d’analyse TOC et autres logiciels

    Il y a un excellent logiciel appelé Flying Logic, qui fait du bon boulot de ce côté là. Je vous laisse un lien vers la page sur mon site qui reprend quelques outils d’analyse et leur appréciation:

    http://www.securite-economie.fr/outils-analyse.html

    Tous les liens s’y trouvent, pour éventuellement télécharger et tester ces logiciels. Je précise que je ne suis pas lié avec l’éditeur de Flying Logic, c’est juste un outil dont je suis coutumier dans l’exercice de mon travail.

    Totsiens,

    Posté le 6 septembre 2011 à 13 h 40 min