L’énigmatique Goldratt – Episode 2 – L’inhérente simplicité
(Ce post s’inscrit dans une suite d’articles où je tente de démontrer que les travaux de Goldratt reposent sur le paradigme de la systémique. Vous pouvez retrouver l’ensemble des articles à partir de ces liens : Episode 1 – La TOC, Episode 2 – L’inhérente Simplicité, Episode 3 – CRT & Thinking Process, Episode 4 – Evaporing Cloud, Episode 5 – Conclusion de l’apport de Goldratt ).
Je souhaitais aborder cette question plus tard, mais il se trouve qu’elle a très vitre trouvé sa place dans le débat… ;-)
A priori, une des idées que amèneraient à penser que Goldratt est à l’origine de son propre paradigme (et donc qu’il ne travaille pas sur la base du paradigme qu’offre l’approche systémique) consisterait à dire que Goldratt prône la simplicité quand la pensée systémique se complait dans la complexité.
Pour démontrer que cet argument relève de la pure foutaise (Oui, parce quand y’en à mare y’a malabar ! MDR ) ;-P, je vais commencer par reprendre les écrits de Goldratt dans son dernier ouvrage « The Choice ».
Côté définitions…
Avant de présenter sa propre définition de la complexité (qu’il oppose de manière erronée à la simplicité), il évoque le sens communément admis (compris) de ce qu’est la complexité :
« The prevailing definition for complexity is, the more data elements one has to provide in order to fully describe the system, the more complexe the system is. »
Ce qui pourrait se traduire par :
« La définition en vigueur de la complexité est, plus on doit fournir d’éléments de données pour décrire complètement le système, plus le système est complexe. »
Cette première définition est intéressante sur deux points :
- Le premier c’est que la définition de la complexité intègre la notion d’observateur. Dans la pensée systémique, on s’interdit à croire à l’existence d’une quelconque objectivité. Toutes les observations sont toujours réalisées en vue de répondre à une finalité précise.
- Le deuxième point est un peu plus pernicieux… Cette définition nous amène à penser que la complexité du système est directement lié à notre capacité d’entendement, ainsi la complexité du système se mesurait à la somme des idées qu’il nous faut exprimer/assimiler pour comprendre le fonctionnement du système.
Puis Goldratt avance une deuxième définition :
« But, there is another definition of complexity. If you are a scientist, or a manager, you are not so much interrested in the description of the system. You are more interrested in the difficulty of controlling and predicting its beharvior, especially when changes are introduced. Your definition of complexity is, the more degrees of freedom the system has the more complex it is ».
Ce qui pourrait se traduire par :
« Mais, il y a une autre définition de la complexité. Si tu es un scientifique, ou un manager, tu n’es pas aussi intéressé que cela par la description même du système. Tu es davantage intéressé par la difficulté à le contrôler ou à prévoir ses comportements, tout spécialement quand un changement est introduit. Ta définition de la complexité est, plus le degré de liberté est important, plus le système est complexe ».
Nous retrouvons dans cette définition les notions de « contrôle », de « degré de liberté » et de « prévisibilité ». Dans l’approche systémique, un système est jugé complexe quand il devient imprévisible et difficilement contrôlable. Nous travaillons donc sur les mêmes bases…
Pour illustrer son propos, Goldratt prend deux « systèmes » en exemple (j’ai mis des guillemets, car l’un d’entre eux n’est pas un système malgré qu’il soit présenté en tant que tel).
Grâce à ces deux systèmes Goldratt, démontre que selon la première définition, c’est le système B qui semble le plus complexe, car il a plus d’éléments et d’interactions à décrire. Mais selon la deuxième définition, c’est le système A qui est le plus complexe, car c’est celui qui a le degré de liberté le plus élevé. le Système B étant plus facilement contrôlable puisqu’en agissant sur une ou deux variables nous avons accès à l’ensemble du système via les interactions.
Pour ma part la comparaison est tendancieuse, car, comme je le disais plus haut, le système A n’est pas un système. Pour qu’il y ait système, il faut nécessairement qu’il y ait interactions. Au mieux, serions-nous face à 4 systèmes isolés.
L’amalgame qui nous amène à penser que l’approche Goldratt est plus « simple »…
Mais revenons à la démonstration de Goldratt, ainsi le système B deviendrait, comme par enchantement, un système simple, car nous n’aurions que n’aurions que très peu d’éléments à actionner pour contrôler l’ensemble du système. Cette affirmation est correcte sur un système simple ou compliqué, mais pas sur un système complexe. Ce qui m’amène à vous faire une vraie démonstration sur ce qu’est un système simple, un système compliqué et un système dit complexe dans le jargon de la systémique.
Faire un pas en avant, est un système simple. Nous avons ici, très peu d’éléments qui rentrent en ligne de compte et la nature des interactions est très simple à percevoir. Maintenant, si je reproduis ce geste sur 42 kilomètres, cela devient un système compliqué, car mon pas initial se reproduit jusqu’à faire apparaitre de nouveaux comportements (fatigue) qui vont suivre de manière linéaire. Maintenant si j’observe deux équipes de foot faire un match, nous sommes là face à un système complexe, car si nous retrouvons la course (système compliqué présenté précédemment), au niveau global nous avons de nombreuses interactions imprévisibles, car le sens de la course et des passes n’est pas déterminé.
Comme je le disais tout à l’heure, sur la base même de la définition, Goldratt reprend la même notion de complexité, car dans le système complexe du match de foot nous sommes bien face à un niveau de liberté et une imprévisibilité plus forte. Le problème c’est qu’en face de cette complexité, Goldratt ne parle pas de système simple et de système compliqué. Il part du système complexe pour mentionner qu’ils sont contrôlables via un nombre limité de facteurs influents.
C’est là que nous pouvons nous rendre compte du jeu d’équilibriste de Goldratt…
Quand il parle de complexité, Goldratt fait l’amalgame (volontaire ou pas ?) entre la nature du système, et le présupposé contrôle qu’il aurait dessus. Vous avouerez que ça n’est pas du tout la même chose. Quand j’écris cet article, pour moi la chose est relativement simple, je pense à ce que je dois écrire et je l’écris. Mon contrôle opère donc sur mon raisonnement et mes doigts pour saisir les caractères qui construisent mes phrases. Maintenant si je réfléchis à tout le système qui fonctionne en moi entre le psychique, la mémoire des concepts, leur représentation, la finalité de mon geste…etc. Il y a bien derrière cet acte simple (écrire un article), un système complexe. Dois-je pour autant finir par dire que tout ça est simple !?
Au final, il n’y a pas de différence majeure entre l’approche de Goldratt et celle de la systémique sur ce qu’est la complexité. Mais Goldratt, comme pour nous protéger, préfère nous dire qu’un système complexe est simple. Le problème, c’est qu’en faisant cela, Goldratt ne permet plus de distinguer les systèmes complexes, des systèmes compliqués, des systèmes simples. Et vous l’avouerez, c’est quand même dommage, car cela nous prive d’une perception plus variée des systèmes qui nous environnent.
Je le redis, cette abstraction de la nature complexe des systèmes me dérange par son manque de rigueur intellectuel. Mais, en même temps, j’entends bien le souci permanent de Goldratt de rendre les concepts accessibles… J’ai le même souci de démocratisation… ;-P Il faut donc bien reconnaitre que, pour cela, Goldratt est très fort.
La question qui subsiste est : doit-on vraiment sacrifier la rigueur intellectuelle et l’exhaustivité de l’approche systémique à la vulgarisation des concepts ?
Pourquoi l’approche systémique est perçue comme complexe…
Premier point : Peu d’ouvrage de vulgarisation…
Après la lourde bibliographie que j’ai avalée, je dois bien avouer que le souci didactique qui anime Goldratt ne se retrouve pas dans beaucoup dans l’ensemble de la littérature qui porte sur la systémique. Pour autant il serait étonné de dire qu’ils sont tous imbitables. La preuve par l’exemple, La Macroscope, Thinking in Systems, La 5ème discipline, La systémique avec les mots de tous les jours, Seeing the forrest for the trees, Systems Thinking – Managing chaos and complexity.
Le nombre de livres difficiles d’accès est surement un des éléments qui amène à penser que l’approche systémique est difficile à aborder.
Deuxième point : La plus value de l’approche systémique…
Pour exister, l’approche systémique s’est très vite présentée comme l’alternative à l’approche analytique de Descartes. Ainsi pour s’imposer l’approche systémique a dû démontrer en quoi l’approche analytique trouvait ses limites dans certaines situations. Comme je le disais plus haut, un système simple et un système compliqué (qui est un système simple reproduit plusieurs fois) s’analysent simplement avec l’approche cartésienne, même si au cours de cette analyse on laisse de coté quelques propriétés fondamentales comme les propriétés d’émergence. Par exemple, je me souviens d’un cours de finance où il nous était proposé d’analyser l’évolution d’une ligne après modification d’une autre ligne… Vous savez… C’est ce qu’on appelle le « toutes choses égales par ailleurs ». Faire ce genre d’analyse est possible, c’est l’approche cartésienne. Le problème c’est que dans la réalité, le « toutes choses égales par ailleurs » n’existe pas. Et que lorsqu’on touche ne serait-ce qu’une seule variable (ex : baisser les prix de 5%), le jeu des interactions se joue sur toutes les autres valeurs.
Voilà pourquoi, l’approche systémique est mise en avant pour mieux appréhender les systèmes complexes, car ceux-ci ne peuvent pas être traités par l’approche analytique cartésienne (pléonasme nécessaire à la vulgarisation des concepts). ;-P Mais pour autant, l’approche systémique a toute sa place pour l’analyse de tous les systèmes, qu’ils soient simples, compliqués ou complexes.
Troisième point : les terminologies « inutilement alambiquées » (dixit mon ami Joel-Henry que je salue) ;-)
Je ne peux pas réfuter le fait que l’approche systémique amène avec elle son lot de terminologies spécifiques qu’il est important de comprendre pour mieux appréhender de quoi il retourne. Pour ne citer que quelques exemples, les termes de propriété d’émergence, d’homéostatique, d’homéostasie cinétique, de boucle de rétroaction négative/positive, de récursivité, d’interactions, d’hologrammes, d’holons, de système artificiel, n’apportent pas le coté sexy que devrait revêtir l’approche systémique pour paraitre un peu plus attrayante ! ;-P
Mais je préfère le dire tout de suite, si ces terminologies doivent être explicitées, en aucun cas elles ne doivent être bannies, pour la simple et bonne raison qu’elles font états de concepts qui n’ont pas d’autres terminologies pour les présenter ! En tant que consultant, lorsque je vais chez un nouveau client, il y a toujours une période d’adaptation où je dois intégrer les terminologies spécifiques employées. Si ces terminologies (que je ne connais pas) sont employées, c’est bien qu’elles désignent des choses qui doivent l’être. On n’invente pas des mots, pour le plaisir de les inventer. Pour abonder encore dans ce sens, si nous faisions marche arrière de quelques millions d’années, si les hommes n’avaient pas cherché à faire évoluer leur langage face à la multiplicité émergente des informations qu’ils avaient à échanger, alors ILS EN SERAIENT RESTES AUX GROGNEMENTS !!!
Pour en revenir à Goldratt, quand dans un souci d’accessibilité, il parle de « boucle néfaste » (dans Réussir n’est pas une question de chance) pour évoquer une boucle de rétroaction positive (ou boucle amplificatrice), le fait même que le contraire de « néfaste » puisse être »positif » (alors que ce même terme de « positif » désigne précisément la nature de la rétroaction), me pose un vrai cas de conscience.
L’approche systémique victime d’un procès d’intention…
Sur la base des 3 principales causes que je viens d’évoquer, l’approche systémique est accusée de faire dans le compliqué et l’inaccessible. Le comble c’est précisément le contraire de son objectif premier.
Quand nous avons fait le tour de l’approche systémique, on se rend bien compte que l’approche systémique nous offre des clés de compréhension indispensables pour gérer l’inhérente complexité du monde qui nous entoure. L’objet de l’approche systémique est bien de rendre intelligible ce qui se joue devant nous et que nous n’arrivons plus à analyser avec l’approche cartésienne qui nous conduit à nous perdre dans les détails.
Pour conclure sur la question de l’inhérente simplicité…
Vous l’aurez compris (du moins, je l’espère) ;-P, les systémiciens ne sont pas des masos qui cherchent à rendre les choses plus incompréhensibles pour ce faire plaisir (encore que, des fois on se demande). Pour autant, je suis d’accord qu’il reste des efforts pédagogiques à faire.
D’un autre côté, je pense qu’il faut être vigilant et ne pas faire de fausses promesses en reprenant des termes trop simples pour expliquer des phénomènes complexes au risque de dénaturer la terminologie et la nature même des problèmes posés.
Voilà pourquoi quand Goldratt nous parle d’inhérente simplicité, j’aurais préféré qu’il évoque les phénomènes d’évolution arborescente des systèmes. Concept qui révèle effectivement l’inhérente simplicité des structures d’évolution des systèmes.
A bientôt pour un prochain épisode… Et surtout je vous invite à vous exprimer sur la question via les commentaires…! ;-)
Si vous souhaitez vous faire votre propre idée…
5 commentaires
Cher Florent,
J’aimerais garder au débat une tenue de bon aloi et je voudrais être certain que tu partageras cette exigence sans laquelle il n’y aurait plus que la polémique, et la polémique ne m’intéresse pas plus qu’elle ne t’intéresse.
Pour ce qui me concerne, je ne mets pas en cause ni la pertinence de l’analyse systémique ni sa capacité à expliquer les comportements des systèmes qu’elle étudie.
Ce que je ne peux pas accepter, c’est que tu puisses inférer de ta connaissance de la systémique des conclusions sur l’appropriation par Goldratt de ces idées et de prétendre, sans aucune autre preuve que ta conviction zélée, qu’il a sciemment caché d’où il tenait ce qu’il a présenté comme ses idées.
En d’autres lieux que ces forums confidentiels, de telles accusations sans preuve pourraient appeler rectification, excuses et réparation, si la victime en avait connaissance.
Tu fais référence dans ton post à son livre « The Choice » que je considère comme le plus abouti sur la façon dont Goldratt appréhende le monde qui l’entoure.
Le paradigme de la TOC ne se limite pas, loin de là, à la partie ressemblant au paradigme de la systémique – le tout n’est pas égal à la somme des parties – ni même à celle qui s’y oppose sur la complexité, puisque selon ton analyse, Goldratt falsifie la notion de système pour valider l’idée de l’inhérente simplicité de la réalité.
Soit dit en passant, cette idée de l’inhérente simplicité de la réalité n’est pas revendiquée comme sienne par Goldratt puisqu’il nous indique dans The Choice qu’il l’a emprunté à Isaac Newton, qui, dans les Principii, énonce « Natura valde simplex est et sibi consona », que Goldratt traduit par « Nature is exceedingly simple and harmonious with itself. »
De temps en temps, cet emprunteur indélicat cite ses sources…
La TOC préconise une démarche holistique fondée sur le fait que tout système organisé de ressources interdépendantes a un but et que la performance pour atteindre ce but est mesurable. Elle définit précisément les 3 mesures (globales, d’où le qualificatif holistique) pour y parvenir dans le secteur du profit : le Throughput, l’Inventory et les Operating Expenses, le but étant gagner de plus en plus d’argent, maintenant et dans le futur…à
quelques années lumière – à mon avis – des sujets d’étude de la systémique.
Avec le paradigme de la TOC disparaissent les notions de coût complet d’un produit, de comptabilité analytique, de production en quantités économiques, d’efficiences, de survalorisation des stocks, etc…
Mais revenons à l’argumentation que tu développes.
Goldratt écrit : « The prevailing definition for complexity is, the more data elements one has to provide in order to fully describe the system, the more complex the system is. » que je traduis plutôt par « La définition qui prévaut pour la complexité est que, plus on a de données à fournir pour décrire complètement le système, plus le système est complexe ».
Ce que veut dire Goldratt par là n’a rien à voir, à mon sens, avec les intentions que tu lui prêtes : il veut dire simplement que l’homme de la rue, toi, moi, percevons un système comme complexe dès lors qu’il est difficile de le décrire en quelques mots, et que cette perception de la complexité s’accroît avec le nombre de mots nécessaires pour le décrire, et que nous allons en conclure que, puisque le système est complexe, nous ne pourrons pas agir sur lui simplement.
Tu notes qu’il ajoute « But, there is another definition of complexity. If you are a scientist, or a manager, you are not so much interested in the description of the system. You are more interested in the difficulty of controlling and predicting its behavior, especially when changes are introduced. Your definition of complexity is, the more degrees of freedom the system has the more complex it is » ce que je traduis par « Mais, il y a une autre définition de la complexité. Si vous êtes un scientifique, ou un manager, vous n’êtes pas trop intéressé par la description du système. Vous êtes plus intéressé par la difficulté à contrôler ou à prévoir son comportement, particulièrement quand des changements sont introduits. Votre définition de la complexité est plus le système a de degrés de liberté, plus il est complexe ».
L’idée de Goldratt, c’est de montrer que le scientifique (et il espère entraîner le manager sur cette voie) ne perçoit pas la même complexité que le commun des mortels. Ce qu’il traduit par la difficulté à gérer un système présentant plusieurs degrés de liberté (bien entendu, on n’est plus alors dans un système de ressources interdépendantes, mais dans un système de ressources indépendantes, ce qui est à l’évidence bien plus difficile à gérer, car cela part dans tous les sens, comme pour ces artistes qui tentent de maintenir des assiettes en rotation sur des tiges flexibles).
L’idée profonde, productive, est qu’on va pouvoir agir sur un tout petit nombre de facteurs avec une très grande efficacité globale. C’est bien sûr la contrainte, mais c’est aussi le core problem ou la root cause, et c’est toute la base des Thinking Processes, outils dédiés à la conduite du changement.
Et, en plus, ça marche superbement…et comme ça marche superbement, je me fiche bien, et Goldratt avec moi, de savoir si c’est rigoureusement prouvé et si ça correspond bien ou pas aux paradigmes prévalant chez le Shadocks, les Gibis et autres systémiciens de tout bord.
Tu nous dis : « Dans l’approche systémique, un système est jugé complexe quand il devient imprévisible et difficilement contrôlable. ». La TOC affirme de son côté: « Il n’y a pas de système de ressources indépendantes qui ne soit pas contrôlable » Tout est finalement simple, dans la réalité, si l’on sait identifier la contrainte, l’exploiter, tout lui subordonner, l’élever, et inlassablement recommencer.
Là où visiblement tu n’as pas encore tout compris, c’est que Goldratt ne s’intéresse pas aux systèmes présentant des degrés de liberté qui les rendent ingérables (et qui sont pour lui des systèmes complexes), mais qu’il s’intéresse aux systèmes à un seul degré de liberté (où toutes les ressources sont interdépendantes), car eux, qui sont perçus par le plus grand nombre comme complexes, sont pour lui gérables à partir d’un tout petit nombre de
facteurs.
Ce cas s’est présenté récemment dans ma pratique professionnelle : j’ai affaire à une petite entreprise spécialisée dans la vente de ramettes de papier et autres fournitures (enveloppes, chemises, dossiers, etc.) et qui compte six commerciaux. Ces commerciaux pratiquent la « vente à la papa » : très autonomes, ils organisent leur temps de travail selon leur bon vouloir entre la prospection, les relations clients, la rédaction des devis, les relations avec les fournisseurs, la formation aux nouveaux produits, les visites au siège, etc… Ils ont des secteurs attribués, sont rémunérés sur leur marge brute mensuelle, et depuis des années, l’affaire stagne, toutes les tentatives de motivation/sanction ayant peu ou prou échouées.
En termes de système, on est en présence d’un système composé de six ressources indépendantes, donc à six degrés de liberté : c’est ingérable et incontrôlable.
Cette analyse rapidement faite, grâce à la TOC, j’ai entrepris de convaincre le dirigeant de transformer ce système en un système de ressources interdépendantes, par définition contrôlable et gérable. Il fallait que ces véritables artisans de la vente deviennent les membres d’une équipe soudée au moyen de la mise en place d’un process analogue à celui d’une équipe de relais.
Cette solution TOC existe. Elle est générique et s’appelle le Sales Process Engineering. Ce n’est pas ici la place pour développer cette solution, mais saches simplement qu’elle considère que le vendeur est la contrainte du système et qu’elle lui applique les 5 focusing steps à la Goldratt.
Enfin, pour te faire imaginer mon point de vue sur le manque de rigueur intellectuelle de Goldratt qui, selon toi, nous « prive d’une perception plus variée des systèmes qui nous environnent (sic) », je te poserai une question et une seule : quelles chances penses-tu avoir de convaincre un de tes clients, chef d’entreprise, d’adopter l’analyse systémique
au prétexte qu’elle lui offrira une perception plus variée des systèmes qui l’environnent ?
Bien cordialement.
Posté le 10 juillet 2010 à 18 h 36 min
Bonjour Joel-Henry,
Je vois que tu ne manques pas de ressource pour alimenter le débat. Ne pense pas que je me prenne trop au sérieux dans la publication de ces articles. Si j’écris cette série d’articles, c’est avant tout pour le plaisir du remue-méninge que ca me procure… Je n’ai aucunement l’envie de me « prendre la tête ». Nos avis divergent, et c’est bien cela qui rend le débat intéressant. Un débat entre personnes qui se congratulent et abondent toujours dans le même sens est à mourir d’ennui…! ;-)
J’ai lu « The Choice » sous ton conseil… Tu trouves que c’est son livre le plus abouti… De mon côté, je pense que c’est un livre assez pauvre, je n’y ai trouvé aucune idée originale. Franchement, Goldratt n’a pas beaucoup de valeur ajoutée à apporter dans le domaine du développement personnel.
Si d’autres personnes l’ont lu, je les invite à donner leur avis sur cet ouvrage… ;-)
Tu parles du paradigme de la TOC, pour moi il ne s’agit pas d’un paradigme, mais d’une méthodologie.
Je suis ravi que sur le tard, Goldratt nous propose quelques références… Euhhhh deux référence : Newton et Deming. Un peu court tout de même sur l’ensemble de son œuvre (peut-être en cite-t-il d’autres ?). Ce point me dérange beaucoup. Si Goldratt, se prétend adopter une démarche de scientifique, pourquoi ne pas systématiquement citer ses sources dans ses ouvrages. Exemple, pourquoi ne pas citer PERT et la loi de parkinson dans son livre « Critical Chain » ? Je pense que de citer les références, cela donne plus de crédit à l’ouvrage, mais Goldratt ne doit pas penser de la même manière.
Je n’ai rien à redire sur ton paragraphe où tu mentionnes la Toc et ces indicateurs. Nous ne parlons plus de paradigme, mais d’outils méthodologiques. C’est bien là l’apport de Goldratt, je ne lui ai jamais retiré cela.
Sur la première définition de la complexité. Tu as mal compris mes intentions. Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’il ait repris une définition que l’on peut considérer comme communément admise par le commun des mortels, pour mieux ensuite présenter sa propre définition.
J’admire la méthode Coué qui consiste à dire que finalement tout est simple. On a ainsi vite fait de mettre de coté la notion même de simplicité.
Tu dis « que Goldratt ne s’intéresse pas aux systèmes présentant des degrés de liberté qui les rendent ingérables ». Je pense moi que ce ne sont pas des systèmes puisqu’il n’y a pas interaction et finalité commune. Ainsi ne reste plus qu’un panier où Goldratt met tout le reste, système simple, système compliqué et système complexe.
L’exemple que tu présentes est un système en étoile (Cf théorie des réseaux). Il y a bien dépendance avec le niveau hiérarchique supérieur (Le directeur commercial).
Enfin à ta question :
quelles chances penses-tu avoir de convaincre un de tes clients, chef d’entreprise, d’adopter l’analyse systémique au prétexte qu’elle lui offrira une perception plus variée des systèmes qui l’environnent ?
Très peu. Mais je ne comprends pas le sens de ta question. J’ai déjà utilisé une modélisation systémique (méthodologie qui repose sur le paradigme systémique, comme la TOC le thinking process et les autres méthodes développées par Goldratt) et comme la TOC peut interpeller (encore que trop peu d’entrepreneurs), cette modélisation a fait mouche.
L’exercice du débat n’est pas aisé sur internet… On voit bien les malentendus qui émergent de par et d’autre… Juste pour te dire que mon article de conclusion posera, je l’espère, le fruit de ma réflexion sur l’apport de Goldratt. Tu sembles penser qu’à mes yeux, Goldartt n’a pas apporté grand-chose. Si c’est le cas, tu te trompes. Goldratt a fait beaucoup ! J’en suis pleinement conscient et c’est bien pour cette raison que je souhaite définir des frontières entre paradigme systémique et méthodologies de Goldratt pour mieux mettre en perspective l’intérêt d’utiliser ses outils.
Au plaisir de te lire.
Florent
Posté le 11 juillet 2010 à 20 h 06 min
Bonjour,
Je suis en train de découvrir ce blog. J’avais vaguement entendu parler de l’analyse systémique en IUT génie mécanique et productique. Je suis en train de me demander quelles seraient les applications de ce type d’analyse pour ma classe de technologie, au niveau de son fonctionnement et dans mon enseignement (étude de systèmes simples). Au niveau vulgarisation, je vais essayer de trouver des ouvrages simples pour commencer.
Posté le 2 août 2010 à 22 h 39 min
Bonjour Yannick,
Pour apprendre la modélisation systémique, je vous invite à lire « Le macroscope – Vers une vision globale
« .
Si vous maitrisez la lecture en anglais, « Thinking in Systems: A Primer
» est également très bien fait.
Au plaisir.
Florent.
Posté le 8 août 2010 à 19 h 01 min
Monsieur,
Votre article est clair, bien écrit et résume le distinguo entre Goldratt et l’analyse multiple des systèmes à des degrés divers et variés.
En tant qu’un professionnel de la chose ( … spécialiste de la sécurité ) je me permets d’apporter quelques éléments qui éclairent un peu mieux l’approche de Goldratt. La partie se » pige mieux » en récapitulant les objectifs de Goldratt, en ré-formulant les points de vue de sa méthode, en indiquant un ou deux logiciels intéressants :
Les objectifs de la TOC, ou comment faire au plus simple et au plus vite
La TOC sert les intérêts d’un contrat, pas une analyse scientifique approfondie. Quand l’on comprend ce genre de postulat, on se sent tout de suite mieux. Et pour cause, les managers disposent d’un paquet d’objectifs soit donnés par les tableaux stratégiques ( quand ils sont salariés et se contentent de gagner peu ) soit purement contractuels de type EPC / EPCI ( quand ils veulent gagner plus, en prenant des gros risques ).
L’intérêt de la méthode reprend alors l’assujettissement contractuel comme finalité unique, même-si c’est pas dit dans la chanson. Grâce à la simplicité et à la démarche TOC, on peut obtenir des améliorations rapides des processus techniques ( bottlenecks ) ou éventuellement organisationnels ( policy constraints = mais là c’est beaucoup plus dur, car vous travaillez sur le changement du comportement des gens ).
La méthode est simple, mais pas simpliste
Une fois la finalité comprise, le reste suit facilement. D’abord, l’analyse des objectifs, ensuite l’on récapitule la situation et après l’on propose et évalue les résultats. Cela fait appel aux graphes et aux graphiques d’analyse partant de deux choses logiques :
1) Sufficient cause – Causes suffisantes pour provoquer l’effet étudié
2) Necessary conditions – Conditions nécessaires pour provoquer l’effet étudié
L’effet final est mesuré par un mix : Throughput / Inventory / Operating expense. Une fois la contrainte modifiée, on se reporte sur une autre contrainte autogénérée par le système du fait et de son évolution non conditionnée par la modification et du fait de sa modification conditionnée.
Rien ne vous empêche de faire d’autres analyses de comportement sur les causes identifiées par TOC, là nous sommes d’accord. En comprenant, que nous ne sommes plus face au même but.
Les outils d’analyse TOC et autres logiciels
Il y a un excellent logiciel appelé Flying Logic, qui fait du bon boulot de ce côté là. Je vous laisse un lien vers la page sur mon site qui reprend quelques outils d’analyse et leur appréciation:
http://www.securite-economie.fr/outils-analyse.html
Tous les liens s’y trouvent, pour éventuellement télécharger et tester ces logiciels. Je précise que je ne suis pas lié avec l’éditeur de Flying Logic, c’est juste un outil dont je suis coutumier dans l’exercice de mon travail.
Totsiens,
Posté le 6 septembre 2011 à 13 h 40 min